Fermeture de sept centres au Québec | Pourriez-vous vous passer d’Amazon ?

Les appels à boycotter le géant du commerce en ligne se multiplient sur les réseaux sociaux. Vœu pieux ou réelle menace ? Décryptage avec deux specialists, Renaud Legoux et Sylvain Sénécal, professeurs au département de advertising de HEC Montréal.

« Tous les Canadiens devraient boycotter Amazon, les entreprises et les produits américains. Frappons-les là où ça fait mal », lance un utilisateur sur X.

« Il est temps de boycotter Amazon pour ce qu’ils ont fait au Québec. C’est ce que je vais faire », affirme un autre.

« Boycottez l’oligarchie. Utilisez d’autres websites lorsque vous le pouvez. Amazon n’est pas la seule possibility. Nous devons réagir avant que les choses n’aillent trop loin », renchérit un troisième.

Depuis l’annonce du licenciement par Amazon de 1700 employés au Québec, les commentaires appelant au boycottage du géant du commerce en ligne se comptaient par dizaines sur X, mercredi soir.

« On voit qu’il y a un sentiment de colère, ou de solidarité, qui se développe. Mais est-ce que les actes vont suivre ? C’est la query qui se pose », souligne Sylvain Sénécal.

Un boycottage difficile

Premier impediment au boycottage : le géant de l’achat en ligne est devenu un incontournable pour beaucoup de consommateurs, qui l’utilisent parfois de façon récurrente (plusieurs fois par mois).

« Amazon, ce n’est pas comme une marque de vêtements qu’on peut facilement remplacer par une autre », rappelle Renaud Legoux.

Le confort que procure le fait de pouvoir commander de chez soi, en quelques clics et à bas prix, des produits parfois difficilement trouvables ailleurs, pour recevoir le tout en quelques heures, reste difficile à battre. Les options de remplacement « sont souvent plus coûteuses, en temps et en argent », souligne Sylvain Sénécal.

D’autant plus qu’en pratique, il ne suffit pas de ne plus passer par sa plateforme pour se couper complètement du géant du net, puisqu’Amazon suggest aussi aux PME des companies de livraison pour des commandes passées sur leur web site. Et tourner le dos à Amazon, c’est aussi choisir de se passer de companies comme Amazon Prime, plateforme de diffusion en continu à laquelle sont abonnés plus d’un tiers des Québécois^⁠1.

« Ils ont des tentacules un peu partout », résume Sylvain Sénécal.

L’significance du contexte

Pour autant, les appels au boycottage ne sont pas vains pour ceux qui y croient, soulignent les deux specialists.

« Ça permet de signaler un désaccord, rappelle Renaud Legoux. Ça réaffirme les valeurs de notre société. »

Bien qu’Amazon ne soit pas une entreprise réputée pour le « traitement exemplaire de ses employés », rappelle-t-il, le fait qu’il s’agisse d’employés québécois ajoute un élément de proximité qui pourrait éventuellement faire pencher la stability en faveur d’un boycottage, au nom de la solidarité nationale.

Pour Sylvain Sénécal, le contexte pourrait également peser dans la stability.

Cet appel au boycottage se déroule au second même où le Canada a, au-dessus de sa tête, l’épée de Damoclès des tarifs douaniers de 25 % qui pourraient être imposés très prochainement par les États-Unis. Le licenciement de 1700 employés pourrait donc être, pour certains consommateurs, la goutte de trop qui les poussera à changer leurs habitudes.

Certains pourraient aussi décider de réduire leurs achats sur Amazon, plutôt que d’appliquer un boycottage complete. Tout dépendra également de ses concurrents, qui pourraient éventuellement prendre la balle au bond et profiter de la state of affairs pour attirer les consommateurs sur leurs propres plateformes.

« Bref, tout est attainable », résume Sylvain Sénécal. « Mais il y a peut-être un terreau un peu plus fertile actuellement [pour un mouvement de boycottage] qu’il y a quelques années. »

1. NETendances – Portrait numérique des foyers québécois, Académie de la transformation numérique de l’Université Laval, 2023